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Plan de dérégulation massive : la Commission européenne s’apprête à sacrifier le climat et les droits humains au nom de la simplification

Tribune 26 février 2025

Sous couvert de “simplification”, la Commission européenne se lance dans un immense chantier de dérégulation, en revenant notamment sur les maigres avancées écologiques et sociales obtenues sous le mandat précédent. Le 26 février, elle sortira son premier paquet omnibus, visant à détricoter trois textes d’une importance capitale pour l’environnement et les droits humains, dont le devoir de vigilance des multinationales. Un recul sans précédent dénoncé par toutes les ONG et par un certain nombre d’entreprises et qui aura des conséquences désastreuses.

Le 12 février, la Commission européenne présentait son programme de travail pour l’année 2025. Malgré les nombreuses fermetures d'usines, la guerre commerciale lancée par Trump, et les catastrophes climatiques qui s’accumulent, ce programme pourrait se résumer en un mot : dérégulation. Au nom d’une seule et même obsession : la compétitivité. Serions-nous de retour dans les années Reagan et Thatcher ?

Le constat est on ne peut plus sommaire : les règles imposées aux entreprises européennes seraient trop complexes et nuiraient à leur productivité. Un discours emprunté aux lobbies, révélateur d’une vision court-termiste et dangereuse, mais qui va se concrétiser avec un paquet législatif appelé “omnibus” présenté cette semaine. Il est d’ailleurs assez symptomatique que l’urgence pour la nouvelle commission européenne soit de remettre en cause des textes passés et démocratiquement adoptés plutôt que d’adopter de nouvelles mesures.

Sous couvert de simplification, la Commission européenne prévoit en réalité de remettre en question plusieurs textes d’une importance capitale, censés protéger les droits humains et la planète des abus commis par les entreprises multinationales. Est concernée la directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) qui vise à davantage de transparence. La Commission compte également s’attaquer au devoir de vigilance des multinationales (CSDDD) qui vise à rendre les entreprises responsables des violations des droits humains et dommages à l’environnement commis tout au long de leur chaîne de production. Le Green Deal n’est pas seulement mis de côté, il est directement attaqué. Et cela ne fait que commencer. 

L’objectif de la Commission est clair : donner des gages aux grandes entreprises multinationales en refusant toute obligation de transparence et toute responsabilité sur les dommages qu’elles causent. Le devoir de vigilance est pourtant une véritable brèche pour mettre fin à l’impunité des multinationales. Il permettrait par exemple de rendre Shein juridiquement responsable d'exploiter ses salariés 75 heures par semaine, Lactalis de polluer généreusement les cours d’eau en France, Nike d’avoir recours au travail forcé des Ouïghours… Ce texte pionnier venait combler un vide juridique : les profits remontent la chaîne de valeur jusqu’aux sièges de nos multinationales, mais pas la responsabilité pour l’exploitation meurtrière des travailleurs et de la nature. Pour la première fois, les victimes pourraient enfin avoir accès à la justice et les multinationales seraient empêchées de se cacher derrière leurs filiales ou sous-traitants. 

Ce détricotage des textes constitutifs du Green Deal européen ne vient pas de nulle part. Il répond à la demande des lobbies européens dont le gouvernement d’Emmanuel Macron s’est fait le porte-parole. Le ministre de l’économie Eric Lombard a même officiellement demandé un report “sine die” de la directive sur le devoir de vigilance après qu’Emmanuel Macron ait tenté d’en affaiblir la portée pendant les négociations. 

Or l’argument de la compétitivité utilisé pour s’attaquer à ces textes est fallacieux sur tous les plans. Premièrement, et contrairement aux dires de leurs détracteurs, ces textes ne concernent qu’une infime partie des entreprises car leur champ d’application a déjà été considérablement restreint par la droite. En rouvrant les directives pour établir de nouveaux seuils (au moins 5 000 salariés et 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires mondial annuel), le nombre d'entreprises concernées par le devoir de vigilance pourrait tomber à seulement 1 341 à l’échelon du continent européen, soit une baisse de 69 %. Et pour toutes les autres, le far west.

Deuxièmement, réduire nos exigences environnementales ne nous rendra pas plus compétitifs, bien au contraire. L’Europe doit investir sur la qualité écologique et sociale de ses productions au lieu de casser ses normes car elle perdra toujours la course du dumping mondial. Elle doit avoir une stratégie cohérente et durable, et non pas remettre en cause des règles qui viennent d’être votées et que les entreprises se préparent depuis maintenant deux ans à mettre en œuvre ! Les modifier aujourd’hui ne ferait que les plonger dans plus de doute et d’instabilité. Plusieurs grands groupes européens qui ont commencé à appliquer ces textes clés en janvier 2024 alertent d’ailleurs sur le risque de les rouvrir.

Au moment même où Donald Trump et Elon Musk déstabilisent l’économie mondiale, l’Union européenne envoie un terrible signal en suivant les États-Unis dans une folle course à la dérégulation. Elle tire un trait sur tous les efforts faits dans le domaine de la transition écologique et la protection des droits humains, et offre sur un plateau d’argent le rêve de l’extrême droite d’abandonner toute contrainte environnementale. Ce faisant, elle donne raison à tous les admirateurs de Trump, qui tentent tant bien que mal de créer une grande alliance anti Green Deal au Parlement européen.

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