Scandale du Qatargate : la justice avance mais les réformes politiques ne suivent pas
Le Parlement européen vient d’adopter mes deux rapports autorisant la levée des immunités des députés européens Marc Tarabella et Andrea Cozzolino, mis en cause dans le cadre du scandale de corruption impliquant le Maroc et le Qatar (“Qatargate”). La procédure a été traitée dans un temps record et je m’en félicite.
Cette décision importante va permettre à la justice de mener à bien leur travail d’enquête et de tenir responsables les coupables éventuels. La justice avance et je m’en réjouis mais force est de constater que le Parlement, lui, refuse d’adopter les réformes des institutions européennes nécessaires à la lutte contre les pratiques d’ingérence et de corruption.
Les propositions ambitieuses de la résolution initiée à ma demande et adoptée le 15 décembre 2022 ont été piétinées. Le plan d’action de la Présidente Roberta Metsola présenté en début d’année ne reprend ainsi que quatre des quinze mesures adoptées à la quasi unanimité par le Parlement européen un mois plus tôt.
Des points essentiels comme l’accélération de la mise en place d’une autorité éthique indépendante, la création d’une Commission spéciale chargée de proposer des réformes éthiques, l’obligation de publication de l’origine des propositions d’amendement suggérées par les lobbies ou la création d’un poste de Vice-Président en charge de la lutte anti corruption ont ainsi “disparu”.
Les quelques mesures conservées constituent des avancées mineures et sont loin d’être à la hauteur de la situation. Elles supposent l’autocontrôle des députés, reposent sur des outils défaillants (le registre de transparence et comité consultatif sur le code de conduite) et ne sont pas assujetties à un calendrier de mise en œuvre.
Alors que le Parlement traverse le pire scandale de corruption de son histoire, certains cherchent délibérément à mettre la poussière sous le tapis. Le temps est pourtant venu de faire un grand ménage dans des institutions européennes malades d’une culture systémique d’opacité et d’irresponsabilité.
La crédibilité même de la démocratie européenne est en jeu. Je demande donc l’adoption de l’ensemble des mesures votées en décembre avec un calendrier précis et des moyens financiers et humains pour les mettre en œuvre.
Appliquons ces réformes radicales et ambitieuses pour faire enfin primer l’éthique avant le fric.
Manon Aubry