Exploser les murs
Parfois j’ai vraiment envie d’exploser les murs si épais qui séparent les institutions européennes de la réalité.
Ce matin, j’intervenais au lancement de la « Conférence sur l’avenir de l’Europe » : une grande cérémonie, censée repenser l’Union européenne et la « rapprocher des citoyens ». Alors les ministres, membres de la commission européenne et députés présents se sont sagement succédés et n’avaient qu’à la bouche le mot « citoyen » (au bingo, on aurait marqué beaucoup de points). Comme si brandir ce mot était un totem d’immunité. Sans bien sûr organiser les conditions d’une véritable consultation citoyenne (allez je lance les paris, qui parmi vous a entendu parlé de cette grande « conférence sur l’avenir de l’UE » ?) : des citoyens triés sur le volet, une société civile sélectionnée par les gouvernements et bien entendu sans donner aucun pouvoir de décision finale. A côté, la Convention Citoyenne sur le Climat ferait presque rêver (oui bon, au moins ils ont pu faire un vrai travail de fond et des propositions, même si Macron s’est ensuite assis dessus).
A croire qu’ils n’apprennent pas de leurs erreurs. La dernière fois qu’une grande cérémonie de ce type a eu lieu au niveau européen, ça a débouché sur le traité constitutionnel européen. Et le référendum en France. La suite vous la connaissez. Le vote du non qu’ils ont pris pour un oui et un beau déni démocratique.
Leur capacité à s’écouter parler me frappera toujours. Je me suis sentie bien seule dans cette atmosphère feutrée à parler des vraies préoccupations : les délocalisations au sein même de l’UE à cause de la compétition sociale, la privatisation de nos services publics à cause de la sacro-sainte concurrence, les coupes dans notre protection sociale à cause du dogme de l’austérité, la pollution à cause du libre-échange et d’une agriculture productiviste. Bref, notre quotidien à nous les gens. Ceux qu’ils ne veulent pas entendre.
Mais non, surtout, il ne faudrait pas toucher un cil aux traités européens qui organisent toutes ces politiques néolibérales. S’interdire de tracer un autre horizon commun pour surmonter les deux plus grandes défis de notre temps : la crise des inégalités et l’urgence écologique. Et ils nous feront la leçon, des trémolos dans la voix, que l’UE est menacée par la montée de l’extrême-droite. Alors que ce sont précisément ces politiques obsolètes qui ont creusé la fracture avec l’UE et font le lit de l’extrême-droite.
Alors dans mon Ouigo retour vers Paris (à la recherche désespérée d’une connexion internet pour essayer de suivre le match de foot de la France, c’est aussi ça la réalité des « citoyens » 😊), je vous écris ces quelques lignes de récit et je n’ai qu’une envie : détruire ces murs si épais qui séparent les institutions européennes de la vraie vie. Aujourd’hui j’y suis allée le poing levé et les ai secoués. Demain, nous ferons ensemble tomber les murs !