Macron / Le Pen : du soit-disant “rempart” au marche-pied
La validation des idées du Rassemblement National par Macron ne date pas d’hier. Mais la dérive autoritaire, liberticide, xénophobe et raciste de la majorité a atteint ces derniers jours un point de non-retour. Le soi-disant "rempart" face à Le Pen est devenu son marche-pied.
Gérald Darmanin qui trouve Marine Le Pen “trop molle” dans le débat organisé par France 2. Un symbole qui à lui seul résume la valse à deux temps que nous jouent ensemble depuis des mois LREM et le RN. Sans aucun faux pas. La validation des idées du Rassemblement national par la République en Marche et les partis de la droite prétendument “républicaine” ne date pas d’hier. Je m’en inquiétais déjà il y a 4 mois dans une précédente note de blog consacrée au déferlement de haine anti-musulmans après l’horrible assassinat de Samuel Paty. Mais cette dérive autoritaire, liberticide, xénophobe et raciste atteint aujourd’hui un point de non-retour après une nouvelle semaine de la honte où Le Pen s’est vue dépassée par plus droitier qu’elle. Alors que les vaccins manquent, que le couvre-feu nous étouffe, que les étudiants crèvent la dalle, le débat public français a été monopolisé ces derniers jours par… l’Islam. L’Islam, l’Islam, l’Islam, rien que l’Islam.
A la manœuvre de cette opération de diversion, Emmanuel Macron lui-même, qui n’en est pas à son premier coup d’essai. Les mots doux pour Maurras et Pétain, la rencontre entre son conseiller et Marion Maréchal, les coups de téléphone à Eric Zemmour, les amabilités échangées avec De Villiers… Cette fascination pour l’extrême-droite la plus réactionnaire est devenue tendance au sein de la Macronie. Qui s’est engagée dans une surenchère sans limite avec le débat sur la loi séparatisme et ses 15 jours de logorrhée haineuse sur le halal, le voile, les horaires de piscine, les mosquées ont bien failli passer inaperçus. Pointer du doigt les musulmans et s’installer dans l’espace public comme leur adversaire était pourtant le seul objectif de cette loi ! Car pour le reste, elle n’ajoute rien d’utile à notre arsenal juridique considérable contre le terrorisme et l’intégrisme, tout en refusant de mobiliser les moyens humains nécessaires à cette lutte. A trop vouloir légiférer, le gouvernement en arrive d’ailleurs à des propositions inapplicables, ridicules et répressives, comme le “contrat républicain” imposé aux associations.
La sauce (brune) n’a pas pris dans l’opinion et Macron a donc décidé de réquisitionner le service public pour imposer le sujet et mettre en scène un faux duel Darmanin / Le Pen. Nous n’avons pas été déçus… Résultat : Darmanin qui critique “la mollesse de Le Pen sur l’islam” et Le Pen qui lui confesse qu’elle aurait pu signer son livre. Cerise sur le gâteau, le ministre reçoit les félicitations du Président en personne. C’est donc sûr de son fait que Darmanin est allé s'afficher à la une de Valeurs actuelles dès le lendemain, en ne cachant plus son réel combat : “le défi de l’islam”. Pas l’islamisme, pas l’intégrisme, pas le terrorisme, mais bien l’islam. La religion de millions de concitoyens français.
Branle-bas de combat en Macronie pour faire aussi bien que Gérald. C’est là qu’arrive Frédérique Vidal, qui ne bouge pas le petit doigt face à la précarité des étudiants et au délabrement général de nos universités… Et préfère lancer une chasse aux sorcières islamo-gauchistes dans l’enseignement supérieur. Ce qui aurait pu être un “dérapage” de Jean-Marie Le Pen il y a quelques années devient une proposition du gouvernement : missionner le CNRS pour une enquête de police politique contre tous ceux qui oseraient considérer qu’un musulman n’est pas un terroriste en puissance. En parallèle, un conseiller de Marlène Schiappa attise les braises en sous-main pour instrumentaliser les propos d’un prof et présenter Trappes comme la capitale mondiale de l’Islamisme. Le Point et C News A-DO-RENT et en rajoutent des caisses. Le maire Ali Rabeh se retrouve menacé de mort sans que cela n’émeuve personne au-delà de la gauche. Évidemment, la majorité trouve ça très sympathique et les chaînes d’info couvrent en boucle en se léchant les babines.
Ces manœuvres sont bien sûr grossières. Mais à force de jouer avec le feu, de gueuler plus fort et plus sale que la droite et l’extrême-droite, Macron se brûle. Quand il prétend siffler la fin de la récré (qu’il a lui-même organisée) en recadrant Vidal ou en demandant la dissolution de Génération Identitaire, il est en réalité déjà trop tard. Les moutons LREM n’ont aujourd’hui plus aucun problème à tenir le discours de Valeurs Actuelles. Et ils applaudiraient des deux mains si le chef de l’Etat annonçait réfléchir à la préférence nationale. Le vide idéologique total de LREM a permis de remodeler la majorité en un inquiétant troupeau libéral-autoritaire qui reprend sans se poser de questions les mots de Le Pen. Tout en commençant par ailleurs à appliquer son programme, en restreignant par exemple l’accès aux soins des sans papiers. Le soi-disant rempart est devenu un marche-pied. Et il ne faut pas s’étonner que la candidate du RN se retrouve en capacité de remporter la présidentielle selon les enquêtes d’opinion. Pourquoi choisir la copie à l’original ?
Notre rôle n’en est que plus essentiel : ne rien céder face aux attaques contre nos compatriotes musulmans, faire campagne sur nos thèmes, défendre fièrement nos propositions, accompagner les mobilisations sociales, ramener une lueur d’espoir pour toutes celles et ceux qui refusent ce scénario. J’ai découvert la politique en militant contre l’extrême droite à Fréjus, 1er bastion RN pendant des années. Cette bataille contre l’extrême-droite, c’est mon histoire, celle de chaque instant, à tout endroit, dans la rue, sur les plateaux télés, dans la bataille culturelle. Et bien évidemment que la tâche semble immense mais l’objectif est atteignable. Là où il y a une volonté, il y a toujours un chemin. Au boulot !