Une nouvelle étape de la NUPES : c’est le moment !
Les divergences stratégiques au sein de la NUPES sur la manière de mener la bataille des retraites à l’Assemblée doivent être l'occasion de faire le bilan de notre fonctionnement actuel. Alors que les échéances internes respectives de ses différentes composantes l’ont confirmée comme cadre commun de la gauche d’alternative, la NUPES doit entrer dans une nouvelle étape. C’est le moment !
Les anti-NUPES auraient trouvé la nouvelle pomme de discorde : l’examen du fameux article 7. Vous allez me dire, pour ceux qui suivent les débats parlementaires de loin, que l’enjeu est difficilement audible. Que l’important est ailleurs : résister par tous les moyens à l’ensemble du projet de loi qui va sacrifier nos 2 meilleures années de vie à la retraite. J’observe pour ma part cela depuis mon poste de combat au Parlement européen, avec un œil attentif et concerné, en échangeant avec les camarades, mais en même temps en étant forcément extérieure aux manœuvres de l’Assemblée nationale.
Je sais que des débats ont eu lieu au sein de chacun des groupes de la NUPES, et que différents points de vue y cohabitaient largement. D’un côté, une volonté de certains syndicats d’en découdre sur l’article 7, symptôme du recul de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans. De l’autre, la conviction de tout faire pour résister au vote de cette mesure afin de donner un maximum d’espoir et de chances de réussite à la mobilisation du 7 mars. Ce débat n’était pas simple mais n’oublions pas que s’il a existé, c’est bien parce que le gouvernement a fait le choix d’un passage en force inédit dans l’histoire de la 5ème République : le dévoiement de l’article 47.1 de la Constitution qui contraint le temps des débats à 9 jours seulement (!!) et permet l’adoption d’un texte de financement de la sécurité sociale sans vote. Mais qui n’est en aucun cas prévu pour une réforme des retraites qui va transformer nos vies pour les décennies à venir.
Alors oui, tout le monde n’était pas d’accord au sein des insoumis. Tout le monde n’était pas non plus d’accord au sein de chaque composante de la NUPES. Le combat de tous les députés de la NUPES a été admirable les 15 derniers jours, dans des styles différents et complémentaires, pour démasquer un à un tous les mensonges du gouvernement. Il aurait peut-être été encore plus efficace avec une stratégie plus lisible.
Cet épisode doit nous permettre d’apprendre collectivement car nous serons confrontés à l’avenir à d’autres dilemmes du même type, sur des sujets qui nous engagent tous (et pas uniquement parlementaires) et qu'il faudra bien être capables de trancher. Pour le faciliter, il n’y a pas de solutions miracles, mais des pistes à creuser. Par exemple en organisant des votes à 150 ou par des représentants au sein de l'intergroupe sur certains sujets ? En convoquant des conseils politiques ou des assemblées représentatives de la NUPES ? En créant l’agora de la NUPES pour établir un dialogue constant avec le mouvement social et les syndicats ? Ou encore comme je l’avais déjà proposé sur les violences sexistes et sexuelles en créant une procédure commune puisque les décisions prises par les uns impactent tous les autres ?
Depuis sa création, la NUPES est annoncée morte et enterrée chaque semaine. Et depuis, elle tient. L’épisode à l’Assemblée de la semaine dernière ne fera pas exception, n’en déplaise à la poignée de nostalgiques du hollandisme qui espèrent reconstruire un social-libéralisme dont plus personne ne veut. Pendant que Le Pen a piscine, la NUPES tient des meetings communs partout en France, mène la bataille collectivement à l’Assemblée, manifeste ensemble dans la rue aux côtés des syndicats. La NUPES est identifiée et valorisée par les électeurs de gauche comme un cadre de résistance et d’alternative face à Macron et Le Pen. Et ni les tribunes sans signataires de Bernard Cazeneuve ni les leçons de gauche risibles de François Hollande en interview (qui a bien rapidement oublié que lui-même agitait l'hémicycle contre De Villepin) ne remettront cela en cause.
La NUPES vit, se maintient et elle doit maintenant aller plus loin. Sandrine Rousseau a parlé il y a quelques jours d’un “acte 2” pour tirer les leçons des difficultés rencontrées la semaine dernière. Chiche ! La France Insoumise évoquait une démarche similaire il y a moins d’un mois dans des courriers adressés à l’ensemble des partenaires de la NUPES qui sont pour l’instant pour la plupart restés lettre morte. Le temps des congrès internes est passé et les opposants à la NUPES ont montré qu’ils étaient incapables de présenter une alternative viable et enthousiasmante. Notre responsabilité est donc de poser les choses sur la table pour passer à une nouvelle étape. Car l’Union ne va jamais de soi, elle se construit, elle est un effort constant et elle doit en permanence se mettre en mouvement non comme une fin en soi mais pour réaliser un programme de rupture.
Il en va de même pour l’enjeu des prochaines échéances électorales. Et notamment des européennes. La main que nous avions tendue l’été dernier a pour l’instant été repoussée. Mais certains membres du pôle écologiste tout comme une partie des socialistes et des communistes ne l’excluent pas, voire y sont franchement favorables. Il faudra donc en discuter. Car cela dépasse là aussi les frontières partisanes, avec des débats qui nous animent non pas en tant que membres d’EELV, du PS, du PCF, de Générations ou de LFI, mais en tant que membres de la NUPES. Il sera toujours plus facile de revenir aux vieilles rengaines, ou accusations d’euroscepticisme contre procès en eurobéatisme. Mais les électeurs de gauche attendent mieux de nous qu'une fin de non recevoir un an et demi avant l'échéance.
Pour repartir sur de meilleures bases, pourquoi ne pas commencer par un intergroupe au niveau européen comme il s’organise à l’Assemblée ? Ou organiser des débats thématiques en regardant ce qui nous différencie, ce qui nous réunit, les choses qui ont bougé depuis 2019 ou peuvent bouger ? Bref, partir du concret, du programme, pour voir comment on peut avancer.
L’acte 2 de la NUPES, c’est accepter que nous n’avons pas raison seuls, que nous pouvons tous faire des erreurs, et que nous sommes désormais peut-être vus autant par les français comme des élus NUPES que des élus LFI, PS, EELV, PCF ou Générations. Que nous sommes parfois en désaccords entre insoumis, comme des écologistes, socialistes ou communistes le sont aussi parfois entre eux. C’est donc se donner les moyens de ne plus avoir seulement des espaces de discussion mais aussi des cadres de décision, sur des questionnements politiques comme sur les échéances électorales. Tout ne se fera pas en un claquement de doigt mais il est temps de lancer ce chantier.
Renforcer la NUPES, c’est aussi et surtout renforcer notre utilité au service du mouvement social et incarner le débouché politique de la colère populaire qui grandit et pourrait être tentée par Le Pen. La NUPES ne doit pas céder aux tentatives de diversion, savamment orchestrées par les macronistes. Rassemblée, elle doit désormais mettre toutes ses forces pour réussir la grande mobilisation du 7 mars, avec pour objectif de mettre le pays à l’arrêt. Certains patrons de BTP se joignent déjà au mouvement et savent sans doute trop bien qu’à 64 ans, il est impossible de porter des parpaings ou grimper sur des toits. Si notre mobilisation est massive et coûte cher au MEDEF, c’est le patron des patrons Geoffroy Roux de Bézieux qui dira lui-même à Macron de capituler. Alors, tous ensemble, on peut gagner !