100 milliards de super-profits pour les banques : ma question à la Banque Centrale Européenne
Et si je vous disais que les banques européennes seraient sur le point d’empocher + de 100 milliards de super-profits sans bouger le petit doigt... le tout grâce à la Banque centrale européenne !
Et si je vous disais que les banques européennes seraient sur le point d’empocher + de 100 milliards de super-profits sans bouger le petit doigt... le tout grâce à la Banque centrale européenne !
Oui, moi aussi je me suis frotté les yeux quand j’ai vu ça pour la première fois : on m’avait dit qu’il n’y avait pas d’argent magique…Du coup je me suis permise d’interroger la BCE sur ce petit tour de passe-passe qui rapporte un pognon de dingue à nos chères banques.
Pour bien comprendre, un petit retour en arrière s’impose : pendant une dizaine d’années, la BCE a pratiqué une politique monétaire dite “non-conventionnelle”. Dans sa boîte à outils, on trouvait notamment des prêts de long-terme et à taux favorables aux banques, dans l’idée qu’elles pourraient ainsi distribuer abondamment du crédit aux ménages et aux entreprises, et ainsi stimuler l’économie. Quand a éclaté la pandémie de Covid-19, la BCE a offert aux banques des conditions encore plus favorables qu’avant. But de l’opération? Faire en sorte qu’elles ne ferment pas le robinet du crédit en pleine crise et continuent de financer les entreprises et les ménages.
En pratique, les banques ont ainsi pu emprunter auprès de la BCE jusqu’à - 1% de juin 2020 à juin 2022. Imaginez seulement si vous profitiez d’un même taux d’emprunt quand vous achetez votre maison… Concrètement, cela revient à les payer pour emprunter de l’argent, soit tout le contraire d’un crédit normal. Et sans surprise, elles ne se sont pas faites prier pour se présenter au guichet de la BCE : environ 2 300 milliards d’euros au total ont été octroyés à ces taux ultra-accommodants.
Au passage, il faut savoir que cet argent a été donné sans aucune conditionnalité sociale ou écologique pour les banques. Tout au plus une vague obligation d’injecter cet argent dans l’économie. Autrement dit, c’est “open bar” et on n’en profite même pas pour orienter les investissements…
Mais patatra, la forte inflation est venue tout chambouler. Pour la contenir, la BCE a décidé de "durcir" sa politique monétaire et a effectué une hausse historique de ses taux d’intérêt. Conséquence directe pour les banques: il est maintenant beaucoup plus rentable de laisser de l’argent sur leur compte de dépôt à la BCE car il y est bien mieux rémunéré qu’avant. D’un taux de -0,5%, on est passé à 0,75% puis à 1.5% depuis hier.
Or, depuis la hausse des taux, les banques ont massivement placé l’argent excédentaire des prêts de la BCE qu’elles ont contractés AVANT l’augmentation des taux…auprès de la BCE ! Retour à l’envoyeur donc, mais en empochant au passage les intérêts. Malin, non ?
Grâce à ce tour de passe-passe, les banques sont doublement gagnantes : elles empruntent de l’argent gratos et font un max de bénéfices en très peu de temps et sans prendre de risque. Et la martingale est très, très rentable : entre 24 et 40 milliards d’euros selon les premières estimations. Mais comme les taux de la BCE vont encore augmenter prochainement (à 2% ou +), les spécialistes parlent d’un effet d’aubaine potentiel de 100 milliards € en un an pour toute la zone euro.
100 MILLIARDS ! Dont 20 rien que pour nos banques françaises. Cocorico !
Eh oui ! Ce n’est pas faute de l’avoir dit. Les superprofits, ce n’est pas que chez les énergéticiens : les banques aussi sont de la partie. Pendant que l’inflation frappe de plein fouet la population et que les salaires ne suivent pas, les banques touchent le pactole. C’est notamment pour ça qu’on se bat au Parlement européen pour taxer les superprofits dans TOUS les secteurs. Mais tout le monde n’est pas de cet avis : les macronistes et la droite ont voté contre mon amendement en ce sens en plénière la semaine dernière, et le RN s’est abstenu. Parce que nous, les 100 milliards, on les verrait bien ailleurs que dans les coffres-forts des grandes banques qui financent les énergies fossiles. Pas BNP Paribas ? À choisir, on les mettrait plutôt dans la transition écologique et les services publics 😇
Et comme pendant tout ce temps, c’était silence radio du côté de la BCE, j’ai pris mon plus beau clavier pour écrire à Christine Lagarde, présidente de la banque des banques ; lui demander de faire toute la lumière sur ce scandale et ce qu’elle comptait faire pour y mettre un terme. Heureux hasard du calendrier, la BCE s’est prononcée hier sur la question. Mieux vaut tard que jamais. Est-ce que Christine Lagarde a enfin pris au sérieux la question des superprofits ?