Derrière le luxe des croisières, tout n’est pas que beau…
Si je vous dis qu’il y a eu, en plein Marseille, un bâtiment de 362 mètres de long pouvant contenir plus de 3 stades Vélodrome et accueillir près de 10 000 personnes…vous penserez sûrement que je suis fada !
Et pourtant, c’est vrai ! Ce sont les dimensions du Wonder of the Sea, plus grand paquebot de croisière du monde qui a fait escale dans la cité phocéenne en juin dernier…non sans difficulté ! Un petit comité d’accueil l’attendait sur des canoës pour bloquer son entrée dans le port. C’est pour rencontrer ce collectif d’activistes motivé·e·s que j’ai fait escale à Marseille avec mes collègues député·e·s du Parlement européen et de l’Assemblée Nationale, à l’initiative de Hendrik Davi, le député insoumis local.
Et on comprend assez vite pourquoi les paquebots posent problème. En tout, ce ne sont pas moins de 550 de ces géants des mers - ou plutôt “gênants des mers” - qui font escale chaque année dans le port avec leur lot de nuisances : le carburant utilisé par les bateaux, le fuel lourd, est une source considérable de pollution locale de l’air et de la mer, causant des maladies respiratoires pour les habitants et détruisant la biodiversité marine. Et évidemment, les paquebots n’arrangent rien au réchauffement climatique puisqu’une croisière de 8 jours suffit à dépasser le quota carbone annuel par personne conseillé par le GIEC pour être dans les clous de l’Accord de Paris.
Donc pendant que le gouvernement a transformé son écologie des petits pas (en arrière !) en fashion écologie à coup de doudounes et de cols roulés, et qu’ils nous demandent de baisser la température de nos logements qui sont souvent des passoires thermiques, une petite minorité de la population voguent sur des immenses immeubles des mers.
Ces croisières de luxe entraînent aussi une énorme débauche en énergie et ressources pour faire fonctionner le bateau et les activités à bord : cinémas, patinoires, parcs aquatiques, simulateurs de surf, etc. La croisière s’amuse, contrairement aux habitants des quartiers Nord de Marseille qui eux sont condamnés à respirer à longueur de journée particules fines et autres oxydes d’azote.
Comme si ce n’était pas suffisant, le monde de la croisière est un grand a(r)mateur des pavillons de complaisance, l’équivalent des paradis fiscaux dans le monde maritime. D’ailleurs, on retrouve les mêmes suspects que d’habitude : 70% des bateaux de croisière sont enregistrés dans seulement 4 pays : Les îles Bahamas, les Bermudes, Malte et Panama. Cela leur permet entre autres de bénéficier de taux d’impôt dérisoires, de payer moins de cotisations sociales et de contourner les législations sociales et environnementales. En 2019, le fisc s’est intéressé à un montage fiscal de l’armateur MSC Croisière lui permettant ainsi de ne payer… que 1,4% d’impôts.
Pour couronner le tout, le transport maritime est exonéré de taxe sur les carburants et n'est même pas inclus dans le mécanisme de marché carbone européen qui contraint les entreprises à payer “un droit à polluer”.
Bref, l’industrie des croisières de luxe est un exemple de plus d’un modèle de tourisme et de loisirs dont nous ne voulons plus. Il est grand temps d’engager la bifurcation écologique, et ça passe notamment par mettre un terme à des activités destructrices et nuisibles à la majorité alors qu’elles ne profitent qu’à une petite minorité.
La mobilisation monte : de Marseille à Ajaccio et de Venise à Barcelone des collectifs d’habitant·e·s font office de vigie citoyenne et s’organisent pour dire STOP aux paquebots. Je porterai ce débat au parlement européen. Pour qu’à terme, ces géants des mers jettent l’ancre une bonne fois pour toutes.