Karim Benzema, le ballon d’or d’un patriote fiscal
À peine élu ballon d’or, voici que fleurissent partout les injonctions à Karim Benzema d’appeler à boycotter la coupe du monde. Ironique comment les mêmes qui n’ont cessé de taper sur lui, l'érigent maintenant en dépositaire de l’autorité morale.
Je suis pour boycotter la coupe du monde de la honte. J’aimerais que notre équipe ne joue pas sur ces cimetières d’esclaves. J’aimerais que les joueurs dénoncent cette horreur et que Benzema ait le courage de le faire. Mais je n’oublie pas que les footballeurs font partie d'un système dont ils profitent parfois mais dont ils ne tirent pas toutes les ficelles.
Quelle hypocrisie de faire peser l'unique responsabilité sur les joueurs, pendant que l'on épargne les donneurs d'ordre. Pendant que nos groupes de BTP se gavent sur l’eldorado qataris. Pendant que la France participe à la sécurisation de la coupe du monde, nous qui avons tant brillé lors de la dernière finale de la ligue des champions. Pendant que l’ancien président Sarkozy est soupçonné d’avoir magouillé pour l’attribution même de cette coupe du monde.
Soyons pour le boycott mais ne nous trompons pas de coupables : ce ne sont ni les joueurs ni les supporters qui attribuent les coupes du monde. Les premiers coupables sont à l’Elysée, à la FIFA, UEFA et FFF mais aussi dans les conseils d’administrations des grandes entreprises qui participent à cette mascarade.
Le football mondialisé, fer de lance du sport marchand, incarne plus que jamais les dérives du capitalisme. Mais les joueurs ne sont pas (et de loin) les seuls coupables.
Le football est aussi le symbole d’une société emplie de mépris de classe. Il y a quelques jours, l’autre enfant terrible du football, Franck Ribéry, raccrochait les crampons. Ce grand joueur, adulé outre-Rhin, a toujours été conspué dans notre pays. Comme en son temps Nicolas Anelka, emblème de "l'équipe des racailles " selon de nombreux commentateurs de l'époque ou encore Wendy Renard dans le foot féminin qui subit un déferlement raciste et sexiste à chaque mauvaise performance.
En France, au nouveau riche ostentatoire, nous préférons le discret rentier d’une entreprise polluante qui planque ses yachts dans les paradis fiscaux. Ou l'éditorialiste parisien qui défiscalise son énorme salaire en achetant des œuvres d’arts. C’est toujours plus chic.
Les footballeurs ne sont pas exemplaires .Benzema est d'ailleurs loin de l'être. Mais on peut quand même trouver étonnant qu'Eric Ciotti, si prompt à s’en prendre à Karim Benzema, n’ait pas eu le même niveau d’indignation pour le délinquant François Fillon qu’il a soutenu jusqu’au bout. Ou pour son propre parti qui peut se flatter d’accueillir en son sein le plus grand nombre de ballons d’or de l’illégalité. Les crapules sont les premières à donner des leçons.
Comme l’illustre Eric Ciotti, Karim Benzema a souvent été accusé de ne pas aimer la France. De ne pas être un patriote. Pourtant, il l’aime bien plus que beaucoup de donneurs de leçons.
Alors que l’enquête de Médiapart, les Football Leaks, révélait que de nombreux joueurs du Réal comme Ronaldo utilisaient les paradis fiscaux, Karim Benzema, lui, paie l’impôt sur ses droits à l’image en France. Il fait le choix de domicilier sa société en France alors qu’il aurait pu bénéficier du statut fiscal ultra favorable « d’impatriado » en Espagne, ce qui lui aurait permis de payer moins de 5% sur ses revenus de sponsoring touchés hors d’Espagne.
Alors qui sont les vrais patriotes ? Karim Benzema qui paie ses impôts en France ou Aymeric Chauprade (ex conseiller de Le Pen désormais soutien d’Eric Zemmour) soupçonné de planquer son fric dans les paradis fiscaux ?
Alors oui, Karim Benzema n’a pas toujours chanté la Marseillaise. Michel Platini non plus. Eric Cantona, Laurent Blanc, Didier Deschamps idem. Pourtant, il n’y a jamais eu de polémique.
Nous vivons dans un drôle de pays. Un pays où ne pas chanter la marseillaise fait plus scandale que les traîtres du groupe Lafarge reconnus coupables de collaboration avec Daesh.
Karim Benzema est un grand joueur de foot, il mérite son ballon d’or mais je n’ai aucune idolâtrie pour lui. Néanmoins, je préfèrerai toujours son patriotisme fiscal à la traîtrise de beaucoup de nos chefs d'entreprises “patriotes” qui planquent l’argent dans les paradis fiscaux.
Les vrais patriotes ne sont pas ceux qui le crient.