Des milliers d’ouvriers morts pour le “foot business” : ne restons pas spectateurs du massacre
Commençons par rappeler les faits. L’organisation de la Coupe du Monde au Qatar a causé la mort de milliers d’ouvriers. C’est un désastre écologique et une publicité effarante pour un régime dictatorial, réactionnaire et xénophobe.
Maintenant, posons nous les bonnes questions. Est-ce que ce massacre est nécessaire pour que nous, les supporters, puissions vivre la Coupe du Monde ? Non. Le monde a assez de stades, d’aéroports et d’hôtels pour organiser dix, vingt coupes du monde simultanément. Nous n’avons pas besoin d’aller construire des stades dans le désert.
Alors, pourquoi, pour qui des milliers d’ouvriers ont-ils donné leur vie ? Pas pour l’amour du foot, mais pour l’appât du gain - le Qatar n'est pas connu pour la ferveur de ses supporters, la renommée de son championnat ou encore ses joueurs de légende - mais pour l’appât du gain. Pour une poignée de multinationales et de patrons qui se gavent, pour les grands prêtres de la FIFA corrompue jusqu’à l’os et pour redorer l’image des dictateurs qatari.
Parce que la Coupe du Monde au Qatar est une manne financière pour qui veut se remplir les poches en fermant les yeux sur les morts. En tout, 187 milliards d'euros seront donc dépensés par le Qatar pour accueillir la Coupe. 187 milliards, quand la coupe de 1998 avait coûté 360 millions d’euros. Une fortune dédiée par exemple à payer le groupe français Vinci, constructeur de plusieurs stades et infrastructures de la Coupe et visé par des plaintes pour travail forcé, traite d’êtres humains et mis en examen pour corruption en relation avec ses chantiers qataris.
Vinci n’est pas seul à profiter de ce trésor tâché de pétrole et de sang. Entre l’attribution de la Coupe du Monde au Qatar (entachée de corruption) et 2020, près de 6 500 travailleurs migrants employés par diverses entreprises sont morts au Qatar du fait de conditions de travail effroyables, notamment sur les chantiers de la Coupe du Monde. Une hécatombe permise par le système de la kafala, organisé par les autorités qataries, qui permet aux employeurs de traiter en esclaves deux millions de travailleurs migrants.
Peu importe non plus que la Coupe du monde soit aussi un désastre écologique avec la construction et la climatisation, en plein désert, de six gigantesques stades, deux aéroports, d’autoroutes et même d’une nouvelle ville avec une capacité de 250 000 habitants pour accueillir les spectateurs. Tout cela dans le pays champion du monde, non pas de foot, mais d’émissions de gaz à effet de serre : branché sur des centrales au gaz, le Qatar a la plus grosse empreinte carbone par habitant de la planète.
Mais pourquoi nous, spectateurs, devrions nous nous priver de Coupe du Monde ? Parce que nous ne pouvons pas accepter que notre foot, le sport des gens, des ouvriers, des écoliers, soit une machine à broyer les corps pour l’argent des puissants. Parce que le gouvernement du Qatar, la FIFA, Emmanuel Macron, Agnès Pannier-Runacher et les autres s’en fichent que des gens meurent tant que Vinci engrange des profits, mais pas nous.
Est-ce que c’est inutile, comme le dit notre ministre de la transition énergétique ? C’est vrai, les morts ne seront pas ressuscités, le carbone ne retournera pas sous terre. Mais nous n’aurons pas joué gentiment notre rôle dans leur business plan, nous n’aurons pas rempli leurs poches en regardant leurs pubs, nous n’aurons pas laissé le foot se jouer sur des cadavres et la prochaine fois, les marques y réfléchiront à deux fois avant d’associer leurs images à un tel carnage.
Le boycott est forcément difficile quand on est amoureux du sport. Mais c’est justement la condition pour leur reprendre le sport qu’ils nous ont volé et qu’on aime. Boycottons cette Coupe du monde pour qu’ils ne puissent pas se gaver sur le dos des ouvriers qu’ils ont tués.
Tribune initialement publiée sur le Drenche
Lire l'article