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COP 26 : rendez-vous manqué pour la justice climatique

Billet d'humeur 19 novembre 2021

Une semaine après la COP 26 sur le climat, je ne décolère pas. Non pas que je m’attendais à de grands miracles, la diplomatie en matière climatique ayant atteint depuis des années déjà ses limites. Mais le retour de mon déplacement à Glasgow pour cette COP m’a laissé un goût pour le moins amer. Le temps de digérer et d’enchaîner sur une semaine de combats, je vous fais un debrief plus complet.

Alors que le dérèglement climatique menace l’existence même de l’humanité, la COP 26 devait marquer une nouvelle étape pour plus d’ambition et de justice climatique. Mais comme souvent, c’est le “business as usual” qui l’a emporté. Le blabla des chefs d’Etats masque mal le renoncement de nos gouvernants à enrayer le chaos climatique. Pire, la COP 26 entérine le séparatisme des pays riches qui, par cynisme, abandonnent les Etats les plus pauvres à leur sort. 

2°C au pire. 1,5°C au mieux. C’étaient les seuils maximaux de réchauffement climatique fixés par l’Accord de Paris en 2015. Problème, l’Accord de Paris n’est pas contraignant et repose sur le bon vouloir des pays signataires. Les nouveaux engagements pris lors de la COP 26, s’ils sont respectés, nous conduisent à un réchauffement de 2,4°C, probablement plus. Le dérèglement climatique serait alors hors de contrôle.

Mais comment expliquer une telle déroute ? La réponse se trouve peut-être dans l’organisation même de la COP 26 et la surreprésentation des acteurs privés. Les industries fossiles pouvaient ainsi compter sur pas moins de 503 personnes accréditées pour les représenter à la COP. C’est plus que n’importe quelle délégation nationale. Les lobbyistes des énergies fossiles étaient même plus nombreux que le total des délégations des huits pays les plus touchés par le dérèglement climatique… Et ce n’est pas tout, dans les sponsors de l’événement, on retrouve des multinationales parmi les plus grandes pollueuses aux monde : la banque JP Morgan qui a investi 317 milliards de dollars dans les énergies fossiles depuis l’accord de Paris, Unilever, troisième plus gros pollueur plastique au monde, ou encore Google, qui a rejeté 20 millions de tonnes de carbone dans l'atmosphère depuis 2007. A ce stade, la COP pourrait être rebaptisée “Conference of Polluters”. 

Si les intérêts des multinationales sont bien représentés, ce n’est pas le cas de la société civile. Cette COP a ainsi été la moins inclusive de l’histoire des COP. Le coût du voyage et les restrictions liées au Covid ont découragé certains représentants des pays du Sud de faire le déplacement. Parmi ceux qui ont pu venir à Glasgow, de nombreux observateurs se sont vus refuser l’entrée dans les salles de négociations, faute de place. 

Les pays du Sud, déjà durement affectés par les changements climatiques, sont les véritables laissés-pour-compte de la COP26. Les pays du Nord n’ont pas réalisé leur promesse de 100 milliards d’euros dédiés à l’adaptation des pays pauvres. Le dérèglement climatique, lui, ne fait pas de pause et chaque année les besoins sont de plus en plus importants. Allez dire aux Malgaches qui souffrent aujourd’hui de la famine qu’il faut attendre encore 2 ou 3 ans pour recevoir de l’aide internationale ! ou encore aux Bangladais qui font face à des inondations à répétition ou aux Camerounais en proie aux sécheresses. Les pays riches, pourtant premiers responsables des émissions de gaz à effets de serre, refusent également d’allouer des financements pour les pertes et dommages irréversibles causés par le dérèglement climatique, essentiellement subis par les pays du Sud. Refuser d’augmenter aujourd’hui les aides aux pays les plus affectés c’est décider en connaissance de cause de sacrifier des millions de vies humaines. 

Sur l'application concrète de l’Accord de Paris, la COP 26 fait le choix d’une écologie de marché où les plus riches payent pour avoir le droit de polluer. C’est tout bénef pour les États et les multinationales qui plutôt que de baisser drastiquement leurs émissions de CO2 préfèrent investir dans des projets de compensation carbone. Et c’est parti pour la plantation en monoculture d’espèces d’arbres non-indigènes ! Les projets de reforestation sont les nouvelles indulgences, on s’achète une bonne conscience avec des opérations de greenwashing. En plus d’être inefficaces, les projets de compensation carbone sont le prétexte de déplacements forcés de populations et représentent une nouvelle menace pour les droits humains. 

La COP est ainsi le reflet des inégalités de richesses. Contrairement à ce que voudrait nous faire croire Macron qui est venu une nouvelle fois donner des leçons. Mais comment ose-t-il alors que la France a déjà été condamnée deux fois par la justice pour son manque d’action climatique et qu’il a jeté à la poubelle 90% des propositions de la Convention citoyenne sur le climat ? En plus de ne pas respecter ses engagements nationaux, la France freine l’action climatique au niveau européen et manœuvre en coulisse pour faire entrer le gaz et le nucléaire dans les “énergies vertes” de la taxonomie européenne.

La COP 26 est donc la COP du renoncement. Les beaux discours et le greenwashing ne suffisent plus à cacher le manque d’ambition des plus gros pollueurs qui, par égoïsme pur, condamnent les plus pauvres, les jeunes et les générations futures à vivre un enfer climatique.

Heureusement, il reste une lueur d’espoir, celle de la mobilisation toujours plus grande des citoyens et citoyennes qui, partout dans le monde, luttent pour le climat. Je pense tout particulièrement aux jeunes qui ont vécu leur première désillusion politique avec cette COP : ne lâchez rien, ne vous résignez pas, ne devenez pas cyniques. Ensemble nous menons la lutte la plus difficile mais aussi la plus déterminante pour l’avenir de l’humanité. Si nous ne pouvons pas renverser la table des négociations de la COP alors renversons ce système prédateur qui détruit le vivant. Envahissez les rues, envahissez les urnes, envahissez les institutions politiques pour qu’enfin la bifurcation écologique et sociale devienne réalité !

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