Étape 4 : privation de liberté & la quête d'humanité
« La police aux frontières au fond d’eux ce sont des êtres humains, ils doivent forcément avoir des âmes en eux ». C’est bien d’humanité dont il a été question aujourd’hui lors de notre 4ème étape mouvementée de notre alternative en selle. Et ces mots ce sont ceux de Kamel, un migrant algérien après avoir passé la nuit à la police aux frontières françaises à Menton dans des conditions plus que précaires et qui pourtant ne se résigne pas à croire en l’humanité la plus élémentaire. Un lieu dont il m’a été refusée l’entrée en dépit de l’obligation légale de laisser les députés visiter les lieux de privation de liberté.
Car pour la police aux frontières et le ministère de l’intérieur, ce lieu est un simple espace de « mise à l’abri », notamment face aux « conditions météorologiques ». Donc si les migrants sont enfermés dans des conditions déplorables c’est pour les protéger de la pluie ? Je découvre alors avec stupeur l’existence d’une note interne à la direction de la police aux frontières dont personne n’a jamais eu connaissance, et qui indique que les polices aux frontières de Menton et Montgenevre (je n’aurai pas de réponse sur pourquoi ces deux-là spécifiquement) ne sont pas des espaces de privation de liberté et donc ne peuvent faire l’objet d’une visite inopinée d’un député. C’est vrai qu’après tout être entassés par dizaines dans des sortes de Mobil-homes de chantier sans fenêtre, sans accès systématique à l’eau, sans chauffage et sans toilettes décents, c’est jouir pleinement de sa liberté. Pourtant le chef de police qui me reçoit me garantit qu’ils sont très bien traités.
En sortant, nous allons à la rencontre de certains de ces migrants quelques dizaines de mètres plus haut sur la route côté italien. Ils sont accueillis sous une bâche précaire par des bénévoles qui leur offrent un café et de quoi manger. Leur récit semble bien éloigné du monde doré décrit par le chef de police. La plupart d’entre eux ont passé la nuit entière enfermés, loin des 2h en moyenne avancées. J’y croise Amadou, malien, qui me raconte que personne n’a réussi à fermé l’œil, assis par terre dans des conditions d’hygiène déplorables. Les associations rapportent également l’utilisation de gaz au poivre pour calmer les ardeurs de ceux qui poussent vers la porte de sortie, désespérés de pouvoir retrouver la liberté.
A la gare de Menton où nous nous rendons par la suite, on assiste encore et encore à la même scène de trains s’arrêtant en gare, fouillés dans les moindres recoins par les CRS jusque dans les panneaux électriques (mais si vous êtes blancs rassurez-vous votre identité ne sera pas vérifiée), et l’arrestation de migrants ensuite conduits au poste de frontière. Côté italien, la situation n’est pas du tout la même. Pas de centre d’enfermement des migrants, pas d’arrestation systématique à la gare : à croire que la France de Macron a réussi à faire pire que l’Italie de Salvini.
A Vintimille côté italien, nous nous rendons au bar tenu par Delia où elle a fait le choix d’accueillir les bras ouverts les migrants : de quoi charger le téléphone, des jeux pour les enfants, un café offert, bref une petite bulle d’humanité, quitte à en payer le prix économique fort, les autres clients désertant petit à petit le lieu. Entre deux histoires de parcours tragiques de migrants qu’elle nous raconte, nous retombons sur Christian que nous avons déjà croisé à la frontière française. Étudiant camerounais avec un titre de séjour en règle en Italie, son entrée en France lui est pourtant refusée. L’Union européenne ne consacre-t-elle pas la liberté de circulation des personnes ? Pourquoi lui avoir refusé l’entrée alors qu’il a des papiers Schengen en règle ? Même les policiers italiens semblent ne pas comprendre ce dogmatisme de la frontière forteresse en s’étonnant de voir Christian revenir.
Ce soir Christian sera aidé par des militants de la Roya citoyenne. Ces militants associatifs qui font vivre une incroyable solidarité dans la région.
Patricia, Joël, Zohra, et tant d’autres qui consacrent tant d’énergie, de temps, et de conviction pour assurer un accueil digne aux migrants. Martine, militante infatigable d’Amnesty qui multiplie les missions d’observation auprès des migrants. Mireille, avocate qui donne des droits aux sans droits. Agnès qui coordonne les associations sur place. Adèle qui apporte du réconfort et un petit dej aux migrants à la sortie d’une nuit éprouvante. Delia qui ouvre grand ses portes. En fait, Kamel avait raison de croire en l’humanité qui doit tous nous habiter. Ces militants en sont la preuve vivante. A nous de les soutenir.
En savoir plus sur ce lien