L'écologie au banc des accusés
Ils s’appellent Pauline, Emma, Félix, Alma, Etienne, Cécile. Ils ont tous une trentaine d’années.
Hier matin, ils comparaissaient sur le banc des accusés du tribunal de Paris. Leur crime ? Avoir décroché des portraits d’Emmanuel Macron dans des mairies parisiennes pour dénoncer l’inaction climatique du président.
Venue pour les soutenir au tribunal, j’ai pu assister à leur procès hors du commun en tout point.
Dès les alentours du palais de justice, le ton était donné. En guise de comité d’accueil, les quelques militants, amis et proches des prévenus venus assister au procès se sont très vite retrouver encerclés par des policiers. Il nous a fallu subir pas moins de 4 fouilles, plusieurs injonctions « de ne pas avoir de pancarte » (un militant n’a pas pu entrer car il portait un T-shirt ANV-COP 21) et de prouver que nos téléphones sont éteints avant d’accéder à la salle du procès.
Puis une matinée durant, les « accusés » se succèdent à la barre. Des jeunes activistes qui ne veulent pas voir leur (notre !) avenir sacrifié. Tous présentent leur action comme un « acte de dernier ressort ». « On a manifesté, on a protesté, on a proposé et que s’est-il passé ? Emmanuel Macron ne respecte même pas la trajectoire des accords de Paris ! ». Et très vite, ce procès se transforme en celui de l’inaction climatique d’Emmanuel Macron. La stratégie bas carbone revue à la baisse, la mise en œuvre de la 5G, la convention citoyenne sur le climat méprisée… Alors quelle drôle de sensation de voir ces 7 visages sur le banc des accusés, et pas celui des dirigeants qui refusent d’agir pour le climat.
Pour en témoigner, Agnes Catoire, membre de la convention citoyenne pour le climat, égraine à la barre l’ensemble des mesures de la convention citoyenne abandonnés par Emmanuel Macron. Et témoigne de sa déception : « j’y ai cru ». « Leur acte de décrocher les portraits est un acte citoyen au même titre que ma participation à la Convention Citoyenne ». Puis Jean-Pascal Van Ypersele, climatologue et ancien vice-président du GIEC, d’expliquer les conséquences dramatiques du changement climatique : la salle d’audience se transforme le temps d’une matinée en un cours scientifique. Dans le combat pour sonner l’alerte, les scientifiques ont trouvé du renfort avec les activistes climat : comme très justement souligné par Jean-Pascal, « les décrocheurs ne sont que des vigies citoyennes ». Et qui ont compris qu’en France sous la Vème République, le pouvoir se trouve dans les mains d’un unique homme : le président de la République.
Alors faut-il vraiment condamner ces jeunes activistes, qui ont symboliquement saisi le portrait (d’une valeur de 8,70€ !) d’Emmanuel Macron pour l’interpeller sur son inaction politique ? Pour l’avocat général, représentant de l’Etat, la réponse est clairement oui. Car, « en démocratie, il existe d’autres moyens d’agir et de se faire entendre ». Ah oui ? Et que faire quand on les a tous épuisés ? Quand il s’agit de notre avenir collectif ? N’est-ce pas la justice qui prend les devants et ouvre la voie à la légalisation de l’IVG quand elle décide au procès de Bobigny de relaxer une femme ayant illégalement avorté en 1972 ?
Une chose m’interpelle durant le procès. Les témoins doivent jurer, la main droite levée, « de dire la vérité, toute la vérité ». Et je me demande : qu’aurait dit Emmanuel Macron ? Qu’il a systématiquement refusé toute contrepartie écologique contraignante aux aides versées aux entreprises, le moratoire sur la 5G, la baisse de la TVA sur les billets de train, la régulation de la publicité sur les produits très polluants ? Et ainsi sacrifié notre avenir ?
Mais en attendant, ceux qui se trouvent sur le banc des accusés sont bien 7 jeunes activistes. Et le verdict de leur procès en appel sera rendu le 10 décembre, hasard du calendrier, quelques jours à peine avant l’anniversaire des accords de Paris. En espérant que le pouvoir judiciaire aura le courage de prendre des décisions quand le pouvoir politique s’y refuse. Sinon un autre tribunal nous jugera tous à l’avenir, et il sera sûrement beaucoup plus sévère.